J'ai commencé à me former en autodidacte à la photographie dès l'âge de 16 ans, durant un échange d'un an en Malaisie avec AFS en 2006/07. En 2012, je décide de rejoindre durant deux ans un collectif de photographes en France et en Afrique de l'Ouest. De 2013 à 2016, j'ai travaillé sur Photografrika dans plusieurs pays (Mauritanie, Senegal, Guinée Conakry, Côte d'Ivoire, Nigeria, Burkina Faso & Mali), un projet au long terme sur les photographes Ouest Africain.
Depuis 2013, je voyage avec une "Afghan Box", un appareil fait maison avec laboratoire intégré me permettant de photographier, puis de développer en moins de 3 minutes une photo unique en noir et blanc sur papier baryté.
We Are All Fugees est un autre projet au long terme, réalisé actuellement avec cette boîte dans différentes communautés à travers le monde: pêcheurs dans le sud du Maroc, tribu Karen en Birmanie, les marginaux de Brisbane (Australie), les ravers du Boom Festival (Portugal), des villageois au Mali, des Malaisiens, des Lagosiens (Nigeria)...
« We are all Fugees ! ». Nous sommes tous des réfugiés. Ce sont les mots que Jeff, un Américain bloqué à Lagos me lâcha, un jour ou il me partageait son histoire. Cela faisait deux ans qu'il se battait sans relâche avec la justice Nigériane pour obtenir la garde de sa fille.
Pour lui, que l'on soit réfugié politique ou réfugié dans nos propres doutes et certitudes, nous avions tous le même statut. Et j'étais la, voyageant depuis un moment avec mes carnets de bord et mon « Afghan Box », - cette mystérieuse boîte en bois me servant à la fois d'appareil photo et de labo de développement-, a me demander quel lien implicite reliait toutes ces personnes photographiées rencontrées sur mon chemin. Et si Jeff avait raison ?
Tout réfugié a une histoire à raconter, que ce soit par les mots, le cœur, le corps, ou par les émotions qu'il renvoi. Etait-ce ce que je voulais capturer et figer sur le papier baryté à l'aide des sels d'argent ? Et par la même occasion, comprendre mon rapport au monde, trouver ma propre place et l'affirmer ? Les paroles de Jeff me donnait le fil rouge d'une pratique que je croyais hasardeuse depuis des années, alors qu'elle s'approchait petit à petit du chemin initiatique. Comprendre les autres pour mieux se comprendre, et inversement. L'effet miroir est inévitable, et cette boîte, personnifiée en Cyclope au fil du temps, me le rappelait à chaque prise de vue.
Ce procédé artisanal en noir et blanc contrasté me positionne à contre-courant face au flot d'image incessant déversé par le numérique.
Il est pourtant bon de ralentir le rythme, de se reconnecter avec l'autre et la matière. Abandonner les pixels et la couleur pour retrouver le bois, les odeurs des chimies et la texture du papier. Ne plus déclencher à tout va, mais se poser pour apprécier la lumière, cadrer, et discuter avec celui qui saura, durant ces deux secondes de lâcher prise, se dévoiler devant l'oeil du Cyclope.